LA LIBERATION DE L’ALEPPO EST UN DEFAITE DE LA CONTRE-REVOLUTION INTERNATIONALE
123/12/2016 by socialistfight
Cet article a été publié à l’origine en grec le 20 décembre 2016. Par P. Pap. Sur le site Avantgarde.
Goebbels ressuscité
“Si vous ne faites pas attention, les journaux vous feront haïr les gens qui sont opprimés, et aimer les gens qui oppriment.”
Malcolm X
Cette phrase est très appropriée devant la dernière explosion de propagande sur – il fallait s’y attendre – Alep. Il y a quelques jours, l’armée arabe syrienne et ses alliés chassèrent les ‘impériaux-djihadistes ‘ de l’est de la ville et libéraient complètement (oui, c’est le mot juste) la ville de leur joug barbare.
L’idéologie dominante est celle de la classe dirigeante, et il est parfaitement normal pour une personne courante de croire dans une certaine mesure, que les nouvelles que lui sont présentées par sa classe dirigeante sont la vérité. Il est humain de se sentir ému en regardant des reportages sur les «massacres» et le «génocide» à Alep. C’est normal si on ne sait pas ce qui se passe en Syrie, d’avaler la «Responsabilité de protéger» ou ce qui est indiqué chaque fois que la CNN et la BBC ou France 2, TF1 and co développent une information qui vise la conscience et, avec elle, des préoccupations «humanitaires».
Malcolm X ne vit pas assez pour assister à l’évolution des mécanismes de propagande des oppresseurs. Sans doute, il aurait été impressionné par leur efficacité actuelle – une efficacité qui rendrait Goebbels lui-même insuffisant. Malcolm X aurait été plus impressionné – de façon négative – s’il aurait vu l’effet que ces mécanismes ont, non seulement sur les personnes ordinaires, mais aussi sur beaucoup de ceux qui cherchent consciemment à renverser le capitalisme, sur des gens qui ont pris la décision de lutter contre «leur propre» bourgeoisie. On pourrait s’attendre de la part de ces gens à considérer comme leur devoir de saper le niveau de confiance que le prolétariat éprouve envers sa classe bourgeoise. Le fait que le prolétariat conscient continue de tomber dans les mensonges de sa classe dirigeante est l’un des facteurs qui expliquent pourquoi, après 5,5 ans de viol impérialiste de la Syrie, il n’y a même pas eu un rassemblement pour soutenir le camp du droit, en Grèce et pas seulement là). Quelle possibilité y a-t-il de construire un mouvement anti-guerre / anti-impérialiste si les forces censées former son épine dorsale ne peuvent pas affronter leur bourgeoisie même au niveau de la propagande?
Nous n’allons pas rentrer ici dans une dissection de la propagande, des articles pertinents suivront bientôt. Nous noterons seulement qu’il n’y avait pas de journalistes dans l’est d’Alep alors que la ville était sous le contrôle des «rebelles». Les grands médias occidentaux n’ont pas envoyé de journalistes là-bas – non seulement parce qu’il s’agissait d’une zone de guerre, mais surtout parce qu’ils craignaient ce que les ‘impérialistes djihadistes» pourraient faire à leurs envoyés. Ils préféraient se contenter de lire les rapports de ces derniers. Les «preuves» des massacres et autres «crimes horribles» qui ont rempli les informations venaient de divers partisans d’al-Nusra et d’autres escadrons de la mort Takfiri. Patrick Cockburn, qui ne peut guère être qualifié d’agent d’Assad ou de Poutine, écrit: «Les médias étrangers ont permis – grâce à la naïveté ou à l’intérêt personnel – à des gens qui ne pouvaient fonctionner qu’avec la permission des groupes de type al-Qaida tels que Jabhat Al-Nusra et Ahrar al-Sham de dominer le programme d’information. “[1]
S’attendre à apprendre ce qui se passe à Alep de ces personnes est l’équivalent de s’attendre à apprendre objectivement sur les «crimes des immigrants» de la part des déchets nazis de l’Aurore Dorée grecque.
Une défaite majeure pour l’Empire
La libération de Halab (Alep) est une défaite majeure pour la contre-révolution internationale. Le barrage des cris antirusses et anti-syriens, inarticulés – et de plus en plus paranoïaques – qui fait écho à Washington, accompagné d’une bataille de haute intensité derrière les coulisses de l’élite américaine, est révélateur de l’ampleur de la défaite que les Impérialistes ont souffert. L’expulsion de leurs «rebelles» de la dernière grande ville qu’ils avaient sous leur contrôle signifie pratiquement la défaite de leurs plans pour renverser le gouvernement syrien. L’élite dirigeante américaine n’est pas la seule à pleurer sur leurs investissements perdus, qui incluent des milliards de dollars pour armer et financer les organisations Takfiri réactionnaires ainsi que pour les propagandistes des Public Relations (les dits « communicateurs »). Le roi al-Saoud et toute sa maison pleurent aussi, comme Erdogan, Netanyahu, le roi Abdallah II de Jordanie et l’émir du Qatar. A côté d’eux pleurent également Theresa May, Merkel et Hollande – ce dernier a même éteint les lumières de la Tour Eiffel pour souligner son amertume et sa douleur. Le fait que l’accord sur le retrait des «impériaux-djihadistes» de l’Est d’Alep ait été négocié par la Russie et la Turquie, sans que Washington y ait un rôle important, démontre encore plus clairement la crise de la stratégie américaine dans la région.
Malgré leur défaite majeure, les Etats-Unis et leurs États-clients ne semblent pas prêts à abandonner leur guerre. “Même si c’est la fin du siège d’Alep, ce n’est pas la fin de la guerre en Syrie. Il va continuer. L’opposition va continuer à se battre “, a déclaré sans sourciller John Kirby, porte-parole du département d’Etat. “Si Alep tombe au gouvernement, dans les mains du régime, ce sera la fin de la guerre? Je ne le crois pas. Nous croyons que le peuple syrien et l’opposition syrienne sont prêts à résister et à poursuivre leurs efforts. Cela ne mettra pas fin à la guerre “, a ajouté le ministre des Affaires étrangères du Qatar.
Ces déclarations ont été faites à la suite d’une décision du gouvernement américain de lever certaines restrictions dans sa politique d’exportation d’armes, afin de pouvoir équiper l’opposition d’une manière encore plus massive. Cette décision, cependant, ne suffira pas à renverser le cours de la guerre.
Quelques points saillants de l’agression impérialiste contre la Syrie
Il est physiquement douloureux pour quelqu’un d’avoir à écrire l’extrait suivant 5.5 ans après le début de la guerre syrienne, mais un certain nombre d’analyses provenant de la gauche ont circulé récemment et dans de nombreux cas ont été traités comme sérieux par un certain nombre de personnes. Certains font tout leur possible pour blanchir le rôle de l’impérialisme dans la question. Nous avons même pu lire que … Assad et les États-Unis sont alliés contre la «révolution»! Il faut se pincer pour s’assurer que ce n’est pas simplement un mauvais rêve ….
La Syrie a été dans la mire de l’impérialisme depuis un certain temps. Cela n’a pas commencé en 2011, lorsque les ambassadeurs des États-Unis et de France se sont précipités vers Hama pour déclarer leur soutien aux «rebelles» [2], ou lorsque les principaux pays de l’OTAN déclarent que «Assad doit partir» [3 ] et ils ont armé massivement l’opposition.
Il faut garder à l’esprit que la Syrie était un allié de l’Union soviétique, un régime qui avait émergé par un processus de libération nationale et – malgré la dégénérescence qu’il a subie – n’était pas contrôlé par l’impérialisme. Mentionnons seulement quelques faits saillants de l’agression impérialiste contre le pays au cours des 15 dernières années.
En 2002, George Bush Jr. définit «l’Axe du Mal», qui comprennait l’Iran, l’Irak et la République Populaire de Corée. Quelques mois plus tard, le sous-secrétaire d’État Bolton définit un axe plus large qui inclut également Cuba, la Libye et la Syrie.
En 2003, les États-Unis ont promulgué une loi appelée «Loi sur la responsabilité syrienne et la restauration de la souveraineté libanaise». Des sanctions sévères ont été imposées à la Syrie, et des analystes américains ont parlé d’une décision qui pourrait servir de précurseur à une intervention militaire contre le pays [4].
Selon les documents du Congrès des États-Unis, les États-Unis ont financé l’opposition syrienne et les Frères musulmans depuis au moins 2005. Ces documents prouvent également que le changement de régime en Syrie figure à l’ordre du jour des États-Unis depuis au moins 2005.
Il y a aussi les révélations de Wikileaks sur les projets de l’ambassade américaine à Damas depuis 2006 [6]. Un rapport secret préparé par le chef de l’ambassade énumère un certain nombre de vulnérabilités du gouvernement syrien que Washington pourrait exploiter. Au sommet de la liste, il y a celle de «jouer sur les craintes sunnites à propos de l’influence iranienne» pour provoquer des conflits religieux et exploiter la «présence croissante d’extrémistes islamistes en transit».
La liste pourrait aller plus loin, mais nous pensons que le point a été fait.
La situation aujourd’hui
On a vraiment besoin d’un estomac solide pour faire face à la quantité de mensonges qui ont circulé de nos jours, une fois de plus, à l’égard de la question syrienne. Nous avons à lire des articles, supposés écrits d’un point de vue de gauche, qui étaient indiscernables de ceux qui figurent dans les pages de The Economist. Des journalistes de la BBC et d’al-Jazeera ont peut-être quitté leur emploi et déclaré qu’ils ne peuvent tout simplement pas supporter de continuer de répandre de mensonges sur la question syrienne, mais la gauche pro-impérialiste n’a pas de tels problèmes.
La situation actuelle est la suivante. L’opposition est absolument dominée par les ailes les plus réactionnaires de l’islam politique et ouvertement soutenue par l’impérialisme. Le peuple syrien soutient massivement son gouvernement, comme en témoignent les dernières élections de 2014 [7] et une série de publications dans divers médias occidentaux (qui ont tout intérêt à diaboliser le gouvernement syrien) [8, 9]. La raison pour laquelle la majorité de la population appuie le gouvernement est simplement parce qu’ils comprennent trop bien ce que signifie sa substitution par l’opposition.
La guerre en Syrie est une opération massive de changement de régime orchestrée par l’impérialisme US-OTAN et exécutée par ses Etats clients dans la région. Pour faire cela, ils ont utilisé les secteurs les plus rétrogrades et réactionnaires de l’Islam politique. En Syrie, leur intervention fut basée sur le conflit sanglant qui a duré une décennie entre le parti Ba’ath et les Frères musulmans, qui a atteint son apogée avec l’insurrection de Hama en 1982. Insurrection réprimée par l’armée syrienne.
La guerre en Syrie reflète la guerre plus large qui a lieu au Moyen-Orient, qui n’a pas encore atteint son apogée. Les camps sont maintenant séparés assez clairement. La séparation ne se fait pas sur des bases sectaires ou ethniques, mais sur le plan de la lutte anti-impérialiste –médiée, « justifiée » bien sûr par la religion et l’héritage historique des peuples de la région. Un des camps est l’Axe de la Résistance (Muqawama), composé du gouvernement syrien, de l’Iran, du Hezbollah, du Front Populaire de Libération de la Palestine, de plusieurs milices palestiniennes et irakiennes et des Houthis (Ansarullah) du Yémen. Ce camp est soutenu par la Russie, un pays capitaliste régional.
L’autre camp se compose des plus grands assassins et oppresseurs de la planète, à savoir les impérialistes de l’OTAN, leurs alliés régionaux (l’Arabie saoudite, l’État sioniste, les pétromonarchies du Golfe) et les diverses organisations salafistes -djihadistes (ISIS, al-Nusra, Al-Qaïda au Yémen, etc.). Entre ces camps il y a diverses forces oscillantes, parmi lesquelles les Kurdes de Syrie, qui devront clairement choisir un côté bientôt.
Quel genre de guerre les deux parties se livrent-elles?
Les marxistes conviennent avec Clausewitz que la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens. Mais quelles sont les politiques actuelles des deux camps en guerre?
Au niveau mondial, l’Empire Occidental poursuit la mise à jour de son hégémonie dans cette région riche en pétrole du Moyen-Orient et par là, l’hégémonie de la planète. Tout régime qui n’est pas entièrement subordonné à l’Empire doit s’y conformer ou être remplacé par celui qui se conforme. Les Ba’athistes, un vestige d’un rapport de forces globalement disparu, ne rentrent pas dans la carte du monde d’aujourd’hui. Les Houthis au Yémen doivent être écrasés sous les bombes de la bande d’agresseurs d’Al-Saud et de leurs mercenaires venus de tous les coins de la Terre. Le Hezbollah et le Bloc du 8 mars menacent Israël et doivent donc être effacés de la face de la Terre. L’Iran, qui a été un casse-tête important dans la région depuis 1979, doit être davantage entouré, démembré et recolonisé, la Russie étant la prochaine dans la liste. La Résistance palestinienne ainsi que la Palestine elle-même doivent cesser d’exister. Cette guerre est la continuation d’une politique de pillage et de subjugation sous le talon impérialiste, c’est une guerre impérialiste injuste.
Le Muqawama – maintenant avec l’aide de la Russie – mène une guerre pour empêcher ses pays et le Moyen-Orient dans son ensemble la recolonisation et le chaos. Aucun des pays qui la constituent n’est impérialiste, et la Russie non plus. C’est une guerre juste et anti-impérialiste.
Ceux qui regardent de plus près le Moyen-Orient et écoutent les slogans des deux belligérants entendront les sectes wahhabites – parmi lesquelles les rebelles syriens – chantant «la mort des Perses, des Zoroastriens, des Nousairi et des infidèles » et « Les chrétiens à Beyrouth, les alaouites à la tombe ». Ils verront ces bandits décapiter des enfants [10] et les utiliser comme des kamikazes [11]. On va les voir occulter l’Etat sioniste de leurs visées et diriger leur colère vers les «infidèles»… qui coïncident avec les ennemis de l’impérialisme dans la région. On va voir la source du wahhabisme et le bastion de la réaction, l’Arabie saoudite, essayant par tous les moyens de transformer la guerre en une guerre religieuse. D’autre part, ils entendront le chant du Muqawama «mort à Israël, mort à l’Amérique». On va les voir rejeter les divisions selon des lignes religieuses et ethniques et appeler à l’unité des musulmans tout en jurant de défendre la Palestine, «le but le plus sacré» selon ses dirigeants.
Victoire aux armes des Muqawama
Les communistes sont censés d’avoir une perspective internationale. Nous posons la question: un Moyen-Orient bouleversé par une guerre sur des lignes ethniques et religieuses nous aidera-t-il à faire avancer notre programme? Parce que c’est exactement en quoi consiste le programme politique de l’opposition syrienne et de ses amis. Numéro 1 Où préférerions-nous faire le travail communiste, en Syrie ou en Arabie Saoudite ? numéro 2 Que est-ce exactement ce que les «rebelles» essaient de construire en Syrie? Si l’on a du mal à répondre à ces questions, nous l’exhortons à aller demander au Parti communiste et aux organisations de gauche de l’Arabie Saoudite. Seulement il n’y a pas de telles choses en Arabie Saoudite, où toute forme d’opposition à la Maison Arch réactionnaire des Saoud est considérée comme terrorisme et souvent punie par décapitation.
Imaginons un Moyen-Orient où l’impérialisme et ses armées de substitution ont écrasé les forces de la résistance. Un tel résultat nous aidera-t-il à faire avancer notre programme? Devrions-nous ou ne devrions-nous pas être intéressés/impliqués si la carte géographique est remplie de protectorats, d’états défaillants et de bases de l’OTAN?
Pour toutes ces raisons, nous soutenons la défaite et l’expulsion du Moyen-Orient de nos propres impérialistes de l’OTAN, l’écrasement de leurs Etats clients (Arabie Saoudite, Etat sioniste, monarchies pétrolières du Golfe) et de leurs créatures Takfiries , Al-Nusra, etc.). Le seul acteur existant réellement qui puisse entreprendre cette tâche aujourd’hui est le Muqawama (Axe de Résistance). Une éventuelle défaite de ce camp – par les forces de la contre-révolution internationale, (et non par les forces du communisme!) – servira de base à la confirmation de la Pax Americana dans la région et sur la planète pour les prochaines années et mettra une pierre tombale sur toute sorte d’évolution progressive. Nous souhaitons et soutenons la victoire militaire du Muqawama sans bien sûr donner un soutien politique à ses forces politiques. En même temps, nous nous opposons à toutes les aspirations impérialistes que la Russie peut avoir dans la région; Toute analyse honnête, cependant, ne peut que reconnaître que sans l’aide de la Russie, la Syrie n’existerait probablement pas aujourd’hui.
“Vous êtes des partisans du dictateur”
Le fait que de telles expressions soient utilisées par des gens qui se réfèrent à Trotsky est triste mais révélateur de la dégradation de certaines parties de ce qui était autrefois le courant trotskiste. Oui, Messieurs, c’est exact: nous “soutenons” Assad – exactement de la même manière que Trotsky avait “soutenu” Chiang Kai-shek contre l’impérialisme japonais [12]. Nous «soutenons» Assad de la même manière que Trotsky avait «soutenu» Vargas au Brésil et Haile Selassie en Ethiopie contre l’impérialisme britannique et italien, respectivement [13, 14].
Sans oublier les problèmes que nous devons résoudre avec le régime syrien – comme nous le faisons avec tous les régimes bourgeois de la planète – et sans lui donner aucun appui politique, nous défendons inconditionnellement l’autodétermination de la Syrie contre l’impérialisme et son intention de partition et de subjugation du pays, imposant doubles et triples chaînes sur ce qui va rester du peuple syrien. Le soutien inconditionnel au droit à l’autodétermination des nations opprimées est un principe fondamental non négociable pour les communistes et il est indépendant des valeurs et du contenu de classe des gouvernements de ces pays.
“C’est si compliqué …”
Non, ce n’est pas le cas. D’un côté, vous avez «votre propre» impérialisme et ses armées par procuration, qui consistent en des cannibales wahhabites dont le programme politique consiste au nettoyage ethnique, et de l’autre côté un pays qui n’est pas contrôlé par l’impérialisme qui essaie de se défendre contre la partition et la recolonisation. Ceux qui n’arrivent pas à comprendre cette lutte comme une lutte de classe feront bien de se restreindre à leurs activités syndicales. C’est tout ce qu’ils peuvent faire. Qu’ils se demandent si la participation de «leur» pays et de leur «propre» classe bourgeoise à la fête impérialiste – dont le menu consiste en la chair de nos frères et sœurs de classe qui sont nés dans les pays opprimés – les ont transformés en social-chauvins honteux qui ne parviennent pas à s’opposer à cette réalité parce qu’ils arrivent occasionnellement à manger certaines miettes qui tombent de la table de leur classe bourgeoise.
Que feraient ces gens si un ouvrier qui opprime sa femme à la maison devait faire une grève juste contre son patron? Cela serait-il aussi “compliqué”? Et si les dirigeants des grévistes étaient des réformistes? Serions-nous obligés de garder une attitude de neutralité? Très peu de gauchistes répondraient à ces questions de manière incorrecte. Dans les arguments ci-dessus, la plupart des gauchistes reconnaîtraient immédiatement les excuses d’un brise-grèves. Il est temps de faire les corrélations respectives quand il s’agit de la lutte de classe internationale, d’ouvrir leur perspective et de comprendre ce que signifie l’expression «juste guerre».
Pour la énième fois: tous les mouvements ne sont pas nécessairement progressistes
La lutte de classe ne s’arrête pas et les gouvernements des pays qui forment la Muqawama ne sont pas des amis du prolétariat. Ce sont les gouvernements des Etats bourgeois, c’est-à-dire des dictatures de la classe bourgeoise sur le prolétariat – de même que l’Etat bourgeois le plus «démocratique» est une dictature de la classe bourgeoise sur le prolétariat. Nous soutenons tous les mouvements progressistes qui sont au sein des pays de la Muqawama, mais ils doivent se conformer à quelques conditions préalables: ils doivent poser des demandes justes et il ne peuvent pas appeler l’OTAN pour obtenir de l’aide. Les mouvements qui appellent l’OTAN à l’aide ne méritent pas la moindre solidarité. Si la réalité internationale de 1914 a permis à l’espace des mouvements révolutionnaires d’exploiter les rivalités inter-impérialistes pour avancer leur propre agenda (c’est-à-dire en recevant des armes de l’Allemagne tout en menant une lutte de libération nationale dans une colonie de la Grande Bretagne)- En 2016, la situation internationale peut se résumer par l’expression «Un empire sous l’hégémonie américaine», ne permet pas de telles possibilités – du moins dans les conditions actuelles. La libération ne peut être obtenue que par une opposition implacable à l’OTAN.
Laissez que la question syrienne marque la fin de tous ces contes de fées sur les «gens» qui se lèvent contre «les dictateurs» sans aucune médiation, exigeant la «démocratie». Même aujourd’hui, quand nous demandons aux enthousiastes de la «Révolution syrienne» ou à ceux qui insistent pour répéter le mantra «Assad doit s’en aller» sur la nature des forces révolutionnaires qu’ils soutiennent, la réponse que nous obtenons est qu’ils soutiennent le «peuple syrien»! Il n’y a pas de «peuple» comme sujet, ni de mouvement sans programme politique. Le contenu de chaque mouvement est cristallisé dans son leadership. Des récits qui tentent de décrire le caractère d’un mouvement en choisissant d’ignorer les forces qui le mènent, soutenant plutôt que «un activiste (dont le nom nous n’arrivons jamais à connaitre) a une idée très progressive dans son esprit », manque du moindre sérieux. C’est avec de tels récits que la plupart des partisans d’une «révolution syrienne» tentent de justifier leur position. La plupart d’entre eux ont fait la même chose pour l’Ukraine et la Libye.
Il n’y a pas de lutte contre le capitalisme sans lutte contre l’OTAN
Avant de devenir ennemis de l’esclavage salarié, les communistes sont des ennemis de l’oppression – sur toutes ses formes. Ils ne ferment pas les yeux devant l’oppression infligée aux nations opprimées où le prolétariat se trouve doublement enchainé et voit le surplus qu’il produit être aspiré non seulement par la bourgeoisie locale, mais aussi par Wall Street ou la Ville. Ce qui est dit ci-dessus devient plus important si ces communistes sont nés dans un pays de l’Occident impérialiste. Ces communistes comprennent que la belle démocratie bourgeoise dont ils jouissent dans leur pays n’est rien de plus qu’une dictature polie de leur classe bourgeoise et que la base matérielle de cette démocratie est le pillage impérialiste des nations opprimées. Ils comprennent que les pays pillés se trouvent avec des systèmes de gouvernement plus autoritaires, simplement parce qu’ils n’ont pas le luxe d’acheter le consentement des classes subalternes à l’aide de la carotte. Les communistes doivent donc être très prudents dans la caractérisation de ces régimes politiques – car il y a le risque qu’ils finissent en encourageant la démocratie bourgeoise, à la paire de ceux qui se réfèrent à tous les dirigeants des «États voyous» comme des «dictateurs». Bien entendu, ces derniers n’utiliseraient jamais la désignation de «dictateur» pour, à savoir Hollande, qui gouverne la France sous le régime de l’état d’urgence depuis novembre dernier.
Les communistes doivent aussi essayer de reconnaître et de comprendre les outils politiques que les peuples opprimés ont développés dans leur lutte contre l’oppression, même s’ils ne ressemblent pas exactement à ceux qui nous sont familiers en Occident. Surtout quand il s’agit du Moyen-Orient, il faut pouvoir voir derrière le voile de la religion – qui est simplement un épiphénomène – et reconnaître le contenu politique des différentes forces politiques. On ne peut pas assimiler le Hezbollah à ISIS ou Ahrar al-Sham simplement parce qu’ils sont tous des organisations islamistes. On ne peut pas agir comme un grand seigneur colonial qui viendra d’une manière ou d’une autre apporter sa «solution» préfabriquée, centrée sur l’Occident, tout en ignorant l’histoire et les traditions politiques des peuples. Pour ceux d’Occident qui sont trop pris par la mentalité coloniale, peut-être aiderait-il s’ils réfléchissaient sur leurs propres réalisations anti-impérialistes contre leur propre classe oppressive bourgeoise avant de se déclarer lui ou leur parti, comme les seuls vrais anti-impérialistes. Peut-être que la comparaison de ces réalisations avec celles des peuples de la région – comme la victoire du Hezbollah en 2006 contre l’État sioniste – serait utile à cet égard.
Ceux qui sont nés dans l’Occident impérialiste qui veulent réellement renverser ce système pourri peuvent sourire de la défaite de leur bloc impérialiste à l’étranger et se préparer à accueillir les résultats de cette défaite chez eux. Il y aura de tels résultats; Un regard sur le combat de chiens vicieux entre la CIA, le FBI et les candidats à la présidentielle est suffisant pour le confirmer. Le reste peut prendre une grande boîte de mouchoirs et aller pleurer à l’extérieur de l’ambassade de Russie pour leurs amis wahhabites. Et après cela ils peuvent aller à l’ambassade des États-Unis et exiger l’armement supplémentaire des «rebelles» et l’imposition d’une zone d’exclusion aérienne pour sauver les révolutionnaires ou les civils ou les cormorans. Leur bien-aimée Hillary pourrait ne pas être président, mais tout n’est pas perdu; Trump a mentionné quelque chose d’équivalent, en parlant de «zones de sécurité» (alias zones de non-vol). [15]
Post Scriptum. Il est impossible de ne pas commenter brièvement sur les tombereaux de larmes versées au cours des jours précédents par plusieurs partisans d’une certaine «révolution» sur Alep libéré. L’un des meilleurs échantillons, ainsi qu’un excellent matériel pour une étude de cas de la propagande de l’OTAN «d’en bas», est un article récent intitulé «La contre-révolution écrase Alep» par Ashley Smith de l’ISO, organisation sœur du grec ΔΕΑ (Gauche ouvrière internationaliste) aux États-Unis. Caractériser ce genre de gauche comme l’aile gauche de l’OTAN serait un euphémisme; Ashley Smith mérite à juste titre un poste de chef d’état-major de l’armée américaine. Il a écrit un certain nombre de chefs-d’œuvre sur la question syrienne. Dans l’un d’eux, il soutient que la manière correcte de soutenir les enseignements de Trotski est de soutenir le droit des révolutionnaires syriens de recevoir des armes et de l’aide de l’impérialisme américain. [17]
Quand l’ISO n’est pas occupé à critiquer sa classe bourgeoise pour avoir omis d’armer assez les «révolutionnaires» pour qu’ils puissent renverser le gouvernement syrien, ils critiquent le secteur de la gauche américaine qui prend une position de principes contre «son propre» impérialisme et exige que Les États-Unis sortent de la Syrie [18]. On pourrait écrire des livres sur la position social-impérialiste de ces personnes. La « meilleure » chose qu’ils ont écrit jusqu’à présent est que « l’est d’Alep libre est la Commune de Paris du XXIe siècle». [19] Nous ne plaisantons pas, ils ont écrit cela.
Ce qui précède montre clairement que l’ISO soutient énergiquement les interventions de sa classe bourgeoise. En général, ils tentent de dissimuler ce soutien en utilisant des pseudo-arguments de gauche (bien qu’on puisse dire, à juste titre, qu’ils ne font pas un très bon travail à cet égard). Il y a des moments, cependant, quand ils ne se donnent même pas la peine de faire cela. Le 11 octobre, ces sociaux-démocrates ont publié une interview qu’ils ont reçue d’Anand Gopal au sujet de Mossoul. [20] En le présentant comme un journaliste et auteur qui a écrit abondamment sur les guerres américaines, ils ont continué à citer son entrevue sans aucun commentaire propre, évidemment d’accord avec son contenu. Ce qu’ils ont omis de dire à leurs lecteurs, c’est que ce monsieur est un camarade du groupe de réflexion New America. En ce qui concerne les positions politiques de ce groupe de réflexion, il suffit de dire que son PDG est Anne-Marie Slaughter, ancien haut fonctionnaire du Département d’Etat américain et actuellement proche associée de Hillary Clinton.
Ce n’est pas un secret que ce courant politique a une longue histoire de soutient aux croisades impériales de sa classe bourgeoise. Cette situation remonte aux années 50, quand elle se soumit à la pression de la guerre froide de sa classe bourgeoise, refusant de défendre l’URSS contre l’impérialisme – ce qui était une position intransigeante du trotskysme. Dans un effort pour habiller idéologiquement sa soumission à sa classe bourgeoise, il inventa la théorie du «capitalisme d’Etat». L’URSS devait être qualifiée non seulement de «capitaliste d’État», mais aussi «impérialiste», et en tout cas plus réactionnaire que l’impérialisme occidental. Cette courbette profonde en direction à la démocratie bourgeoise occidentale est évident aujourd’hui, quand ce courant caractérise chaque ennemi de l’Empire comme un «dictateur», contribuant à leur diabolisation ultérieure. Ce courant a célébré avec enthousiasme la chute des années 90; Et pourquoi ne devrait-il pas le faire? C’était son programme politique, après tout. Jusqu’à aujourd’hui, ils n’ont pas prononcé un seul mot d’autocritique.
Même avec un tel record, on pourrait s’attendre à ce qu’ils conservent au moins un certain sentiment de honte. Hélas, ce n’est pas le cas. ” Negros de la maison”; C’est ce que Malcolm X a utilisé comme expression pour se référer à ces personnes.
Les références
- The Independent, “Il ya plus de propagande que les nouvelles qui sortent d’Alep cette semaine”, 16.12.2016
- France24, ‘Des ambassadeurs français et américains renforcent les protestations de Hama’, 09.07.2011
- CNN, ‘Etats-Unis, appel à l’Europe pour le chef syrien al-Assad à démissionner », 19.09.2011
http://edition.cnn.com/2011/POLITICS/08/18/us.syria/
- Stephen Zunes, magazine de la politique du Moyen-Orient, printemps 2004
- Washington Post, «États-Unis Secrètement soutenu des groupes d’opposition syriens, câbles publié par WikiLeaks show ‘, 17.04.2011
- WikiLeaks, «Influencer la SARG à la fin de 2006», 13.12.2006
https://wikileaks.org/plusd/cables/06DAMASCUS5399_a.html
- Fox News, «L’élection syrienne montre une profondeur du soutien populaire pour Assad, même parmi la majorité sunnite», 04.06.2014.
- Telegraph, ‘Syrie: Alors que les bombes tombent, le peuple de Damas se rallie autour de Bashar al-Assad’, 17.04.2014.
[…] LA LIBERATION DE L’ALEPPO EST UN DEFAITE DE LA CONTRE-REVOLUTION INTERNATIONALE […]
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